CODE DU TOURISME : FRAIS DE RÉSOLUTION STANDARD OU FRAIS RÉELS ?

En collaboration avec Guillaume Beurdeley, chargé d’enseignement en droit aérien à l’université Paris I Panthéon Sorbonne, juriste.

Les modifications du code du tourisme induites par la Directive Forfait et qui entrent en application en droit interne le 1er juillet 2018 laissent perplexes beaucoup de professionnels du tourisme. Aujourd’hui nous abordons le thème des frais de résiliation qu’il faudra appliquer le 1er juillet 2018.

L’ordonnance du 20 décembre 2018 qui a transposé en droit français la Directive Forfait prévoit que le voyageur peut à tout moment avant le début du voyage ou du séjour résilier son contrat contre paiement de frais de résiliation. Notons que la Directive parle de frais de « résiliation » alors que notre code du tourisme, en son nouvel article L.211-14 adopte la notion de frais de « résolution ». Cette appellation est déroutante. En effet, au terme de l’article 1229 du code civil,  « les parties doivent se restituer l’ensemble de ce qu’elles se sont procurées » en cas de résolution du contrat. Cette formulation interprétée stricto sensu interdirait donc la perception de frais en cas d’annulation du fait du client, et ce, en contradiction avec la lettre même de l’article L211-14 du code du tourisme.  Gageons cependant que cette différence sémantique avec la directive sera sans aucune incidence.

Les frais de résolution doivent être appropriés et justifiables.

L’article L.211-14 du code du tourisme dans sa version applicable au 1er juillet 2018 prévoit que le contrat peut prévoir :

  • Soit une grille de frais de résolution raisonnables, calculés en fonction de la date de la résolution (par rapport à la date de début du voyage ou du séjour), des économies de coûts procurées par la résolution et des revenus escomptés par la remise à disposition du ou des services de voyage.
  • Soit les frais de résolution réels, correspondant au prix du voyage dont il est ôté les économies de coûts et les revenus réalisés du fait de la remise à disposition des services de voyage.

Il est plus que probable que l’ensemble des agences et tour-opérateurs vont opter pour une grille de frais de résolution standardisée. Cette grille devra donc tenir compte de la date de la résolution, des économies résultant de la résolution et des revenus escomptés par la remise à disposition des services.

Il va de soi que plus la date de résolution est proche de la date de départ plus les frais seront élevés et pourront  représenter jusqu’à 100% du prix payé. En effet, les économies réalisées correspondent aux prestations annulées et remboursées par les prestataires dont certains vont facturer 100% si l’annulation est tardive et la possibilité de revendre le séjour à d’autres diminue au fur et à mesure que le temps passe.

En outre, certaines prestations peuvent se voir appliquer des taux très élevés du fait de leur spécificité, particulièrement sur le transport aérien et notamment avec les compagnies à bas coût dont les billets ne sont généralement ni échangeables ni remboursables.

Au contraire, s’agissant des produits qui peuvent être remis en vente après l’annulation (billets charter, contingent de chambres), le professionnel devra tenir compte dans l’établissement de sa grille de l’espérance de revente du séjour à un autre client.

Les grilles de frais de résolution standard devront donc tenir compte de ces différents impératifs pour ne pas être attaquables.

Il est précisé qu’à la demande du voyageur, le vendeur justifie le montant des frais de résolution.

Cette phrase est placée à l’article L.211-14 après le mode de calcul des frais de résolution réels ce qui pourrait impliquer que la justification des frais ne s’applique pas lorsque l’agence ou le producteur applique une grille standardisée.

Ce n’est pas mon analyse. En effet, l’article L.211-14 parle de frais de résolution « appropriés et justifiables » avant de décliner les deux options possibles (grille standardisée et réel).

Dès lors, la justification dont il est fait état correspond :

  • Soit à la grille de frais forfaitaire si elle est prévue aux conditions de vente,
  • Soit à la justification de ces frais en fonction des frais d’annulation des prestataires concourant aux prestations incluses dans le forfait en produisant par exemple leurs factures.

Le professionnel qui décide d’utiliser l’option « grille forfaitaire » ne doit pas perdre de vue que les frais doivent être raisonnables et tenir compte des critères édictées (date, économies, recettes escomptées).

Il devra donc être attentif à la rédaction de cette grille, préciser quelles prestations ne peuvent faire en aucun cas l’objet de remboursement (par exemple les vols à bas coût) et quel pourcentage s’appliquera aux autres prestations, sans perdre de vue non plus que quoi qu’il en soit les taxes aéroportuaires sont remboursables au passager n’ayant pas embarqué et qui en fait la demande à la compagnie aérienne ou à son agence de voyages.

Quelle que soit l’option choisie l’agence de voyages devra avoir précisé dans ses conditions de vente laquelle elle utilise.

En effet, si elle ne stipule pas qu’elle peut facturer des frais de résolution selon une méthode ou une autre en cas de résolution du contrat par le voyageur, elle ne pourra pas les facturer au voyageur qui résout son contrat.

Cette nouvelle approche des frais de résolution empêchera désormais le voyageur d’arguer de ce que les frais d’annulation des agences de voyages pourraient s’analyser en clause pénale et par conséquent être réduits par les juges. Mais elle va certainement ouvrir un nouveau contentieux visant à une réduction des frais basé cette fois-ci sur la justification des frais, leur caractère appropriés ou non et en cas de frais standard de leur caractère « raisonnable ».

Il conviendra donc de conserver tous les éléments contractuels ou de faits de manière à pouvoir justifier du caractère « raisonnable » des frais et pouvoir ainsi les produire en justice.

Rappelons également, que ces frais de résolution s’appliqueront également au professionnel qui résout le contrat en plus du remboursement du prix payé au voyageur.

Enfin, le nouvel article L.211-14 prévoit également que le voyageur peut résoudre son contrat avant le début du séjour ou du voyage sans payer de frais de résolution si des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l’exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination.

Dans cette hypothèse, le passager doit être remboursé du prix payé mais n’a pas droit à une indemnisation supplémentaire (ce qui serait tout de même un comble !).

De son côté, le professionnel peut pour les mêmes raisons (circonstances exceptionnelles et inévitables mais sans précision de ce que ces circonstances se déroulent à destination ou empêchent de s’y rendre) résoudre le contrat avant le départ ; dans ce cas il doit rembourser le voyageur, mais n’est pas tenu à une indemnisation supplémentaire.

Il en est de même en cas de nombre insuffisant de voyageurs inscrits au voyage, si le nombre minimal a été stipulé au contrat ainsi que le délai de prévenance lequel ne peut être inférieur à 20 jours avant le début du voyage ou du séjour si celui-ci dépasse six jours, sept jours si le voyage ou le séjour a une durée entre deux et six jours et quarante-huit heures si le voyage ou le séjour ne dure pas plus de deux jours.

Enfin, le voyageur qui a souscrit un contrat d’assurance couvrant certains cas d’annulation proposé par l’agence de voyages au moment de sa commande, ne pourra obtenir le remboursement de la prime qu’il aura versé : le contrat a commencé à produire ses effets dès sa souscription.

Rappelons cependant que le voyageur bénéficie d’un droit à renonciation de son assurance jusqu’à 14 jours après sa souscription, sous réserve qu’il soit en mesure de prouver qu’il est déjà couvert par une autre assurance pour au moins une des garanties prévues par l’assurance voyage souscrite.

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